1. Le video mapping : qu’est-ce que c’est ?
  2. Le video mapping : qu'est-ce que ce n'est pas ?
  3. Des mots et des dates 
  4. Le video mapping : ça commence où et quand ?
  5. En quelles circonstances le video mapping apparaît-il ? Part.1
  6. En quelles circonstances le video mapping apparaît-il ? Part.2
  7. La préhistoire du video mapping
  8. Le VJing
  9. L’image géante
  10. L’image géante autour de l’an 2000
  11. Arts contemporains : l’entrée en scène du projecteur
  12. Arts in situ : le temps des lieux
  13. Hans-Walter Müller : Volux et Topoprojections
  14. 2003 : 3minutes² d’Electronic Shadow
  15. L’histoire des outils informatiques du video mapping
  16. L’histoire des outils informatiques du video mapping. Part.2
  17. L’histoire d’une institutionnalisation…
  18. Un énième art ?
  19. Le video mapping : une écriture
  20. Notices Artistes

Le video mapping : une écriture


Un video mapping est une succession d’images (vidéo) projetées sur un objet en volume en fonction duquel elles ont été pensées et créées. Plus qu’une technologie, le mapping est une combinaison de moyens d’expressions établis comme tels au fil de l’histoire des arts, bien avant qu’il n’apparaisse : certains sont propres aux arts du volume (sculpture, architecture, design…), d’autres aux arts de l’image (peinture, graphisme…), aux arts de la scène et du temps (musique, cinéma, performance…), à la littérature.

Le video mapping peut bien être narratif, raconter une histoire (c’est le cas des Anooki, par exemple) et mettre en œuvre des techniques d’écriture scénaristique et de dramaturgie. Médium composite, donc… mais le video mapping est aussi un médium à part : image enrobant un volume palpable qui reste perceptible. Il est une façon particulière d’articuler du virtuel à du réel, ou pour le dire de façon plus intemporelle, de l’imaginaire à de l’existant, de l’absence (l’image) à de la présence (l’objet-support), avec un projecteur (ou plusieurs). C’est bien ainsi qu’un video mapping est susceptible de nous « parler » de façon bien spécifique


Dans un video mapping, la création de la texture video requiert le relevé et l’analyse formelle du volume sur lequel on la projettera. La relation entre l’image et l’objet-support est d’abord graphique, plastique. Elle peut être de l’ordre de la ressemblance, de la proximité mais aussi de la dissemblance voire de l’antagonisme. Cette relation, ainsi que ses variations sur la durée, à tel ou tel rythme, selon tel ou tel séquençage, est la base de la production du sens en mapping.

Cette relation au support peut engager d’autres moyens d’expression, éventuellement moins spécifiques au mapping mais dont le rôle n’est pas moins important : le son (musiques, bruits, paroles) peuvent renvoyer de bien des manières au site, au monument ou à l’objet mappé. Les éléments figurés, les personnages, le récit peuvent aussi y faire référence, soit de façon très explicite (c’est le cas de nombreux mappings de célébration patrimoniale, par exemple, qui racontent l’histoire du bâtiment) ou plus cryptée. Ils peuvent aussi, au contraire, jouer d’un certain décalage, sinon rompre complètement avec ce support. De l’ensemble découle une sorte de « conversation » entre l’ouvrage audiovisuel et le volume sur lequel il est projeté, comme un jeu de rôle entre les deux : tantôt, l’objet-support fonctionne en « support » puisqu’il sert la visibilité de l’image, tantôt l’objet-support fonctionne en « objet » puisqu’il est mis en valeur par la texture video.

Le video mapping — qui oscille effectivement entre les statuts d’art et de média — rend possible cette inversion perpétuelle des rôles entre l’image et son support, à l’intérieur d’une même proposition. Un·e mappeur·se peut envisager sa production comme un dispositif de médiation, de valorisation, de communication autour d’un existant (monument ou autre) ou comme une œuvre (qu’elle relève des arts du spectacle, de l’installation ou de la performance), ou encore comme les deux à la fois sans qu’il n’y ait de contradiction insurmontable à ses yeux. 


C’est donc en orchestrant des relations entre une production audiovisuelle et un volume tangible qu’un·e mappeur·se ou un collectif va travailler à produire du sens. Et plus encore que le sens ainsi produit, c’est bien le processus de sa production qui est intéressant. C’est ce travail, ce processus, dans tout ce qu’il peut avoir de personnel ou de propre à un collectif, que l’on appelle « écriture ». Pour écrire, un·e mappeur·se va utiliser un certain nombre d’outils, et notoirement des outils informatiques… mais pas seulement : nombreux·ses sont celles et ceux qui ont recours à des outils beaucoup plus traditionnels, comme la photographie, le croquis ou le dessin, le « story board » et qui y demeurent attachés.

Beaucoup tiennent compte également de la valeur symbolique, de l’environnement sociétal des objets qu’ils et elles mappent — ce qui ne relève pas des algorithmes. Dans Le degré zéro de l’écriture en 1953, le sémiologue Roland Barthes explique que l’écriture n’est ni la mise en œuvre d’un code régulier (comme la langue), ni un « style » réductible à une série d’automatismes individuels : au-delà de ces déterminismes, elle est « le rapport entre la création et la société ». L’histoire récente du video mapping a été scandée par le lancement de logiciels dédiés, et ce parfois, à des genres spécifiques (pour le monumental, les concerts, l’installation, le micro-mapping…).

Dès lors que certains de ces logiciels proposent des bibliothèques d’effets stéréotypés, ou prescrivent un certain workflow, une organisation normalisée du travail créatif, quelques questions se posent quant au risque de standardisation encouru. Dans quelle mesure l’ergonomie d’une interface facilite-t-elle le développement d’une écriture personnelle (ou particulière à un collectif) en video mapping, écriture affranchie — au moins partiellement — des conventions et des tics de langage, affranchie aussi du souci de produire, non pas du sens, mais toujours plus d’impact visuel ? 


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